Comment l'ADEME a-t-elle fait face à la crise sanitaire en 2020 ?
Fabrice Boissier : Comme tout le monde, nous avons été frappés et surpris par le confinement. Certes, nous disposions d'un plan de continuité d'activité, permettant d'organiser le travail à distance, mais nous avons du comme toutes les organisations nous adapter dans cette situation inédite. Qu'il s'agisse de partage d'expertise, de gestion de dossiers... nos activités se sont avérées pratiquement toutes « télétravaillables » et nous avons gardé 100 % de nos capacités à agir.
Comment l'ADEME a-t-elle accompagné ses collaborateurs dans cette situation ?
Dans une année 2020 profondément marquée par la crise sanitaire, mettre en œuvre l’axe de notre stratégie RSE « Satisfaire l’épanouissement professionnel de tous les salariés » a pris un sens bien particulier. La priorité de l’ADEME a bien sur été d’assurer leur sécurité sanitaire, de prendre soin de leur moral, et de tenter d'inventer la meilleure qualité de vie au travail possible dans ces circonstances inédites. Maintenir un collectif de travail, maintenir une attention aux salariés isolés, a été une préoccupation capitale. Tous les managers se sont ainsi attachés à animer leurs équipes, et à multiplier les contacts informels pour garder le lien. Au niveau direction, nous avons mis en place des visio-conférences Zooms avec l'ensemble du personnel, pour leur permettre de poser leurs questions et de conserver le sentiment d'appartenance à l'ADEME. Un sondage hebdomadaire mené avec la direction des ressources humaines nous permettait également de mesurer l'esprit des équipes et d'identifier des situations humaines à risque. Tout au long de l’année, nous avons adapté continuellement l’organisation du travail pour à la fois préserver la santé, tenir compte des impacts de la situation sanitaire sur la vie quotidienne des salariés, et tenter de préserver la qualité de vie au travail.
Cette crise va-t-elle changer la manière de travailler à l'ADEME ?
A l'évidence, il y aura un avant et un après-Covid. Sur le sujet du télétravail d'abord, que nous expérimentions auparavant à raison d'un jour de télétravail par semaine. Le confinement a complètement changé la donne. Nous avons constaté une montée en maturité dans l'utilisation collective du télétravail. Du côté des managers, des freins ont pu tomber ; la capacité à manager une équipe à distance s'est affinée. Il reste évident cependant que le télétravail d’aprés-Covid ne pourra pas être le même que le télétravail subi que nous continuons de vivre début 2021. Il demeure essentiel de l’articuler avec des temps de vie et de travail « en présentiel », pour que le travail soit un lieu d’épanouissement personnel et collectif.
Avez-vous dû redéfinir vos missions et vos priorités dans ce contexte sanitaire ?
Dès le confinement, nous avons voulu penser à l'après-Covid. Imaginer
des actions pour faire redémarrer l'économie et la transition écologique. Et nous avons souhaité le faire en échange avec nos partenaires ! De ces propositions est née par exemple l'idée de venir en aide à des secteurs en difficulté, comme l'économie sociale et solidaire ; idée qui s'est traduite par la mise en place d'une aide d'urgence vers ces acteurs qui ont très peu de capacités de résilience en termes de trésorerie. Nous avons également réfléchi à des grands programmes d'action qui pourraient être déployés pour accélérer la reprise sur les territoires, dans les entreprises, etc. Nous avons réfléchi aux réponses à apporter à certaines faiblesses que la crise a mises en évidence, comme par exemple la dépendance aux marchés internationaux sur des secteurs critiques, l'intérêt à relocaliser certaines filières, etc.
Ce travail, mené depuis avril et par itération, a permis de murir des propositions qui ont pu alimenter le Plan de relance travaillé durant l'été par le gouvernement.
Nous avons également continué à réfléchir à la vision prospective d'après-crise. Nous avions déjà à l'ADEME un travail sur la « prospective 2050 », qu'on a dû réinterroger à la lumière de la crise. Il faut se forcer à lever le nez du guidon, pour continuer à garder le cap vers l'objectif de neutralité carbone. Nous avons poursuivi notre projet de prospective et commencé à réfléchir aux inflexions que pourrait apporter la crise de la covid-19 sur la manière de dessiner nos trajectoires de prospective. Nous avons ainsi gardé ce qui fait la marque de fabrique de l'ADEME : un pied sur le terrain et un œil vers l'avenir, pour identifier les opportunités comme les risques de la transition.
Le Plan de relance a été le temps fort de la rentrée de septembre. Comment va-t-il impacter l'ADEME ?
C'est une révolution à l'ADEME. Le Plan de relance va occasionner un doublement de notre volume d'activité, en termes d'accompagnement budgétaire, de financement apporté aux parties prenantes... A partir de 2021, nous piloterons 1,5 milliard d'euros pour financer et accélérer la transition écologique. La marche est élevée et elle a débuté dès 2020 ! Dès fin juillet, nous avons travaillé avec les ministères pour identifier les dispositifs à mettre en place, préparé l'organisation de l'ADEME, en termes de capacités RH, de modes d'intervention, de cibles à viser, de territorialisation de l'aide...
Concrètement, qu'est-ce que cela va changer ?
D'une part, nous ouvrons de nouveaux champs d'intervention. Par exemple le dispositif de secours vers les petites entreprises de l'ESS que j’ai évoqué. Sur le sujet de l'industrie, nous opérons le fonds de décarbonation de l'industrie du plan de relance. Alors que par le passé nous financions uniquement la chaleur renouvelable
en entreprise, nous intervenons dans le Plan de relance également sur l'efficacité énergétique. C'est un nouveau champ d'intervention. Il y a enfin des secteurs sur lesquels nous n'intervenions que très peu et sans moyens financiers, comme le tourisme durable. Dorénavant nous gérons pour ce secteur, une enveloppe de 50 millions d'euros, et avons la capacité d'impulser de véritables dynamiques.
Est-ce que cela a un impact sur vos modes d'intervention ?
Oui, et c'est mon deuxième point. Cet enjeu de massification impacte nos modes d'intervention : les critères d'éligibilité, les modalités d'instruction, les taux d'intervention doivent être adaptés, en cherchant l’accessibilité et la simplification pour nos cibles... Il nous faut également innover via des partenariats d'intervention, pour aller toucher des acteurs qui n'étaient pas notre cœur de cible. C'est ce que nous avons par exemple fait avec Bpifrance pour élargir les TPE/PME ciblées.
L'ADEME, c’est un pied sur le terrain et un oeil vers l'avenir
A partir de 2021, nous piloterons 1,5 milliard d'euros pour financer et accélérer la transition écologique
L’ADEME a su assurer la continuité de ses activités pendant cette période en préservant la santé, et la qualité de vie au travail de ses salariés au moyen d’une organisation matérielle et d'une gouvernance interne adaptées aux circonstances. Les équipes ont réussi à maintenir la dynamique collaborative initiée les années précédentes : plus de 70 ateliers en intelligence collective ont été menés, certains ont d’ailleurs permis d’approfondir les liens avec nos partenaires. Sur les 200 initiatives identifiées parles équipes dans leurs projets de service près de la moitié concernait les 2 piliers de la feuille de route RSE suivants: contribuer à l’épanouissement professionnel de tous les Adémiens, déployer une gouvernance ouverte pour accompagner les acteurs et impliquer les salariés. Cette période a également constitué une opportunité pour refonder la communication interne afin qu'elle devienne un levier d'engagement des Adémiens.