Fondateur de l'entreprise de services numérique Norsys, Sylvain Breuzard est également une personnalité engagée pour la transition écologique. Président de Greenpeace France, il a accompagné l'ADEME à réduire l'empreinte écologique de ses sites Internet.
Dans son fonctionnement, et alors qu’elle a mûri une stratégie numérique ambitieuse, l’Agence est également soucieuse d’utiliser les technologies numériques en minimisant leurs impacts sur l'environnement et de manière éthique et responsable. Sylvain Breuzard décrypte ici les liens entre numérique et écologie, et les enjeux associés pour les entreprises.
Transition numérique et transition écologique : amies ou ennemies ?
Sylvain Breuzard : Ces deux transitions sont en interdépendance totale. L'une ne peut vivre sans l'autre, et inversement. La transition numérique va rapidement atteindre un plafond, si elle ne prend pas mieux en compte son impact environnemental : le secteur numérique représente déjà 10 % de la consommation mondiale d'électricité et cela ne cesse de croître ! Le virtuel dépend de ressources (naturelles, énergétiques, etc.) bien réelles ! La pollution liée à la fabrication des matériels et
infrastructures nécessaires à l'essor du numérique en témoigne. Les entreprises ont une responsabilité pour que leur croissance, qui repose aujourd'hui largement sur le numérique, ne soit pas significative de coûts dommageables pour l'environnement.
Mais la transition écologique a-t-elle besoin du numérique, elle ?
Oui absolument, les usages du numérique peuvent être mis au service de la transition écologique. Quelques exemples simples : le numérique favorise l’essor des circuits courts dans l'alimentaire ; il permet de mettre en lien consommateurs et commerces locaux pour écouler plus efficacement leur stock de produits frais périssables. Si l'on prend le domaine de la mobilité, il facilite l’essor du covoiturage, de l’autopartage entre particuliers. La possibilité du télétravail représente également des bénéfices environnementaux. Donc oui, le numérique peut être un puissant levier au service de la transition écologique ! Sans oublier bien sûr que le numérique facilite l’accès à la connaissance et à la sensibilisation sur les problèmes climatiques et environnementaux.
Les entreprises vous semblent-elles conscientes et matures sur ces enjeux ?
Le chemin est long, mais on progresse. On parlait pourtant de « Green IT » dès avant les années 2010, et ce n'est vraiment que maintenant que l'enjeu de la sobriété numérique commence à émerger. Et encore... Je ne pense pas que les fabricants de matériels, smartphones, tablettes, ordinateurs envisagent tous de la même manière les enjeux d'éco-conception numérique.
A l'échelle de Norsys, comment vous mobilisez-vous ?
En 2011, nous avons créé « l’étiquette environnementale » de nos projets informatiques : c’est-à-dire le bilan carbone lié à leur réalisation. Notre objectif était, dès la proposition commerciale, de sensibiliser nos clients aux problématiques environnementales liées au numérique et de voir avec eux comment réduire les émissions de CO2. Très honnêtement et avec le recul, nos clients à l'époque n’ont pas du tout été réceptifs à cette démarche. Puis nous avons fait le choix d’adopter volontairement notre propre démarche d’éco-conception pour intégrer les impacts liés à la fabrication d’un logiciel de manière très large, comme par exemple : la durée de vie des appareils des utilisateurs, la simplicité de l’interface homme/machine, le volume de données émis sur les réseaux, la consommation énergétique des serveurs mais aussi les déplacements des collaborateurs... Nous avons de nouveau décidé de présenter à nos clients cette démarche, car nous sentons un frémissement sur cette préoccupation. Mais dans un premier temps, à titre seulement pédagogique pour leur démontrer qu’ils peuvent être acteurs de la réduction de l’impact du numérique sur notre planète.
SYLVAIN BREUZARD EN 3 DATES
1994 Création de Norsys (aujourd'hui 600 collaborateurs)
2007 Nomination à la présidence de Greenpeace France
2021
Sortie du livre « La permaentreprise – Un nouveau modèle de développement pour des entreprises durables » aux éditions Eyrolles