Composé de 15 membres, nommés pour 5 ans, le conseil scientifique de l'ADEME est une instance-clé de la gouvernance de l'agence. Rencontre avec sa présidente, la sociologue Sophie Dubuisson-Quellier.
Quel est aujourd'hui le rôle du conseil scientifique ?
Sophie Dubuisson-Quellier : Il a pour mission d’orienter la politique scientifique de l’ADEME. Depuis son dernier renouvellement en 2018, il comporte une forte dimension interdisciplinaire. Les enjeux scientifiques de l’agence vont en effet bien au-delà des domaines techniques et prennent aujourd'hui en compte les aspects sociaux, économiques et politiques.
Quels sont les travaux du conseil ?
L’un des exercices importants consiste à formuler des recommandations sur les orientations de l’ADEME en matière de RDI, ainsi que sur la programmation annuelle de la recherche et sa réalisation. Le conseil peut également être mobilisé sur des projets plus ponctuels, comme pour le projet d’étude prospective « énergies ressource 2050 » par exemple. Mais on peut aussi envisager que le conseil scientifique se donne un agenda de travail pour la durée de son mandat, afin de constituer un lieu de réflexion sur des enjeux scientifiques de long terme.
Quelles sont à vos yeux les thématiques prioritaires pour faire avancer la transition écologique ?
La transition écologique est un processus complexe et social. On s'intéresse bien évidemment à la manière dont les individus vont s’adapter en changeant leurs modes de vie. Mais plus fondamentalement, il s’agit de comprendre comment nos sociétés vont opérer les changements institutionnels qui vont les conduire sur des trajectoires bas-carbone.
Quels moyens vont-elles se donner pour changer leurs rapports aux techniques ?
Comment vont-elles recomposer les modèles économiques pour articuler des formes de sobriété énergétique avec des objectifs de bien-être ? Il est aujourd'hui nécessaire de penser ces transitions dans une perspective globale, holistique ; une perspective qui engage des enjeux majeurs de gouvernance et de redéfinition des indicateurs qui servent aujourd’hui à orienter les décisions publiques et mesurer ce qui compte vraiment. On parle ici de transformations profondes de l’économie et des institutions.
Concernant vos propres champs de recherche, comment se connectent-ils à la transition écologique ?
Je travaille en sociologie économique sur la fabrication sociale des
comportements économiques. J’ai étudié les alternatives cherchant à organiser autrement
la production et la consommation. Sujets confidentiels il y a vingt-ans, ils
sont devenus essentiels pour comprendre comment expérimenter d’autres modèles. Aujourd’hui,
je travaille sur les interactions entre interventions des pouvoirs publics, des
entreprises et des organisations militantes, sur des objectifs de bien commun
tels que l’environnement ou l’alimentation. On y voit à l’œuvre les mécanismes
du changement social nécessaires aux transitions écologiques, mais aussi
certains verrous.
BIO EXPRESS
Directrice de recherche au CNRS, membre notamment du Haut Conseil pour le climat, du conseil scientifique de l'INRAE, Sophie Dubuisson-Quellier conduit des travaux en sociologie économique sur la façon dont les conduites économiques des consommateurs sont façonnées par les interventions des entreprises, des mouvements sociaux et de l’Etat. Elle a notamment publié « Gouverner les conduites » aux Presses de Sciences Po.